Je joue du violoncelle, je joue au bridge, je lis et j'écris ... de temps en temps je compose ...

dimanche 24 mai 2020

Tosca, opéra pour bridgeurs...

Attention, il faut connaître vaguement les règles du bridge. Pour les non-initiés, une partie de bridge commence par des "annonces" codées, au cours duquel on décide du nombre de levées que l'un des camps doit réaliser. Ces annonces, autrefois orales, se font aujourd'hui en posant sur la table des "cartons d'enchères". Précisons que si l'on n'a pas de jeu, on dit "passe", et que pour "faire une enchère" il faut un certain nombre de points, constitués par des grosses cartes (As, Roi,Dame, Valet).
Tosca, version bridgeurs :
(Humble hommage à Victor Mollo…)

Je viens de visionner l’opéra de Puccini « Tosca » dans la mise en scène de Zeffirelli, au Metropolitan de New York en 1985. Evidemment, fabuleux. Même si on a du mal à oublier Maria Callas…
Mais j’ai fait une découverte (ou plutôt, c’est Sami qui m’a fait cette suggestion, gardons-lui les droits d’auteur !) : « Tosca » est un opéra pour bridgeurs. Eh oui ! Mais pour bridgeurs à l’esprit tordu…
Examinons : ils sont quatre protagonistes : la cantatrice Tosca, son amant le peintre Mario, le méchant Scarpia et le rebelle poursuivi, Angelotti. Dans l’histoire, les quatre meurent !
► Nord, donneur : Angelotti : poursuivi, il se suicide avant l’arrivée des gardes. Ici, il est donneur, il arrive en retard, essoufflé, regarde rapidement ses cartes, et il passe. Exit.
► Est, Scarpia : là, c’est plus compliqué, il est tué par Tosca, qui feint d’accepter de se donner à lui pour épargner Mario. En tant que bridgeur, il sort le carton « passe », le pose, regarde à nouveau ses cartes et dit « non, pardon, je voulais dire… » et il met la main sur une enchère. Les adversaires refusent : si l’on peut reprendre une enchère erronée, genre « 1 Cœur, non, pardon, je voulais mettre 1 Pique », le fait de passer puis de mettre une enchère est un « changement d’intention », on n’a pas vu un As, ou on n’a pas vu que l’on avait 6 Cœurs ou 6 Piques, donc un 2 faible, etc… Là, cela donne un renseignement au partenaire. Les adversaires, donc, protestent, et Tosca, pour arrêter la discussion, appelle l’arbitre. Celui-ci signale que l’enchère « Passe » ne peut être changée, et que la partenaire de Scarpia (ici Tosca) ne peut tenir compte de l’intention de changer.
► Sud, Mario : il est exécuté sur l’ordre de Scarpia. Ici, il se dit « tiens, l’autre a donc du jeu ». Il a l’ouverture, mais une main plate, il feint l’indifférence et passe, attendant de voir, se disant que les adversaires risquent d’empailler une manche ou de ne pouvoir faire le compte des mains…
► Ouest, Tosca : se jette du haut des murs en constatant la mort de Mario. À la table, elle se dit qu’elle a peut-être fait une bêtise en appelant l’arbitre. Elle a un peu de jeu, elle pourrait ouvrir, mais « ne doit pas tenir compte du fait que son partenaire voulait ouvrir ». Apparemment, ils ont quelque chose à jouer, mais est-ce qu’il a planqué un As, donc a 13-14 points, et ils ont une manche à jouer, ou une carte à Cœur ou à Pique, dans ce cas il a un 2 faible, et il y a une partielle, mais on risque de donner aux adversaires l’occasion de parler… Et est-ce que l’un des adversaires n’a pas commis une erreur (Angelotti n’a pas pris le temps d’examiner son jeu), ou est-ce que Mario lui joue comme d’habitude un tour de cochon ? Elle a beau lui faire du pied sous la table, elle ne trouve pas la solution. Tant pis, je passe !
►► Quatre « passe »… Et en fait, une moyenne ! Parce que la donne est telle que c’est celui qui joue qui chute…
Je laisse aux experts le soin de bâtir une donne correspondant à l’anecdote…
Maria Callas dans Tosca, Londres 1964